mercredi 29 juillet 2015

L’article premier de la déclaration des droits de mon cul sur la commode.

 « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune. »
Article premier de la déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen de 1789.


      Je me souviens de la première fois qu’on m’a vendu le concept. C’était en cour d’éducation civique. Ils - les Hommes-Lézards – avaient décidé de caler ça en fin de semaine, la toute dernière heure, comme pour satisfaire un puissance 4 sur ma grille d’emploi du temps.

      Dans mon souvenir, on avait soixante milliards de minutes d’une éducation populaire atrophiée, ventant les bienfaits du passage clouté et des élections nationales sur le même pied d’égalité. On chantait les moyens par lesquelles la société nous protégeait de l'anarchie et de la monarchie. Nous, sur notre pupitre vandalisé, on savait que la république était plus mieux que le Moyen-âge parce qu’on torturait pas gratos dans un cachot pas aux normes sanitaires. Ça s'arrêtait là. En éducation civique, pas d’explication, pas d’objectivité, pas d’esprit critique. On comparait le présent au passé, sans les perspectives d’avenir.

      On y apprenait que notre liberté s’arrête là où commence celle des autres, métaphore spatiale avec l’idée sous-jacente de frontières individuelles, donc de propriété. Pas de « nous », juste deux « je ». On n'abordait pas la constitution de 93. On se penchait pas sur le champs des possibles. Du coup pas d’économie et pas de social en éducation civique. On est censé comprendre la différence entre Sénat et Assemblé Nationale, mais pas réfléchir dessus. Assimiler, pas traiter. On analysera plus tard, quand on sera grand et qu’on voudra pas payer d’impôts parce qu’on préférera mettre 3€ dans un dentifrice qui correspond à notre sexe social.

     Bref, dans ce vacarme de droiture on me balance un jour ce truc - qui en jette un max, il faut le dire : Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. L’idée est là. Voilà le gros progrès : on est tous égaux, bordel de merde. Pas d’aristocratie, pas d’élite, toi et moi on sera traité de la même manière, avec respect, même si je suis plus con.

     Et puis non. Ils pouvaient pas s’arrêter là, c’était trop beau. Du coup la phrase suivante pose les bases de la distinction, elle sera sociale. Les distinctions sociale ne peuvent être fondée que sur l’utilité commune. Bah quoi ? C’est la révolution de 89, les gars ! C’est la bourgeoisie qui arme le peuple pour détrôner l’aristocratie ! Faut pas qu’il reste armé le peuple, un peu de distinction !

      L’utilité commune, qu’est-ce que ça veux dire ? Que l'on est plus important pour le bon fonctionnement de la société. Réglo. Du coup, qu'est-ce qui sert le plus ? L’administration. Qui est tout en haut de l’administration ? Les hommes politiques. Alors on applique la distinction sociale – comprendre : pognon ; comprendre : notes de frais ; comprendre : immunité face à la loi.

      Maintenant, la question qu’il faut se poser c’est : comment on évalue l’utilité publique ? Ma proposition c’est de s’intéresser à la gravité des conséquences en cas d’absence d’une institution administrative. Comparons l’utilité publique de deux branches : le gouvernement, et les éboueurs.

      Que se passe-t-il sans gouvernement ? Entre 2010 et 2011 la Belgique s’est retrouvée cinq-cent quarante-et-un jours sans gouvernement. On aurait dit une blague, on était à peine étonné, venant des Belges. Pourtant ils étaient dans une situation sacrément étrange. Et ils survivaient quand même, comme si le système avait été suffisamment ordonné pour se soutenir lui-même et ne plus avoir besoin d’égos en son sommet. Bon, il y en avait vaguement un, de gouvernement. Le démissionnaire était encore en place pour les affaires courantes, mais leur pouvoir était réduit à celui d’administration exécutive et non décisive. Conséquence ? Les seuls vices qu’il y a eu, sur la fin, relevaient de la procédure. Sinon, la nation est restée unie, la police, les écoles et les hôpitaux fonctionnaient, il n’y a pas eu la dictature, et personne n’est mort.

      Que se passe-t-il sans éboueur ? Marseille, Janvier 2015. Six jours de grèves. Six jours seulement, et plus de 4000 tonnes de déchets dans les rues, étalés partout. Des sacs et des cageots de pomme de terre à côté des terrasses. Les conséquences ? Sanitaire : risques de maladies – comprendre : rat : comprendre : mort. Economique : le touriste n’aime pas que son gamin joue au foot au milieu des mouches.

      Il semble évident que les éboueurs ont davantage d’utilité publique que les hommes politiques. Que ne sont-ils pas payé plus qu’eux ? Pourquoi n’ont-ils pas plus de « distinction sociale », comme le stipule la grandiloquente Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen ?

      Ici, la loi n'est pas appliquée. C'est pourquoi, je propose une petite Question Prioritaire de Constitutionnalité. En effet, la Déclaration est incluse dans la Constitution Française. J’exige, au nom de la loi, que le conseil constitutionnel, formé par d’anciens présidents de la république, tranchent à ce sujet. Est-ce que les escrocs d’hier, au crépuscule de leur luxueuse existence, prit de remords, condamnent les escrocs d'aujourd’hui ?

1 commentaire:

  1. Bien jouée la comparaison entre les éboueurs et le gouvernement ! Enfin on entre dans le vif du sujet sur l'utilité commune. L'expression utilité commune me semble d'ailleurs plus juste que celle d'utilité publique qui n'est déjà plus forcément une utilité commune .

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